Travailler simultanément sur l’offre et la demande des produits biologiques porte ses fruits
Cet article a été publié à l'origine sur le site Web de l'IISD consacré à l'État des initiatives de durabilité et est reproduit ci-dessous avec la permission de l'auteur.
Les agriculteurs du monde entier ont été profondément touchés par des chocs externes, notamment la pandémie, la guerre en Ukraine et l'inflation des coûts des intrants. Les petits exploitants sont particulièrement vulnérables à ces défis car ils n'ont généralement pas les ressources nécessaires pour faire face aux pénuries de main-d'œuvre, aux perturbations de la chaîne d'approvisionnement, aux contrats annulés et à la volatilité des prix, qui peuvent réduire les ventes de leurs récoltes et leurs revenus. Étant donné que bon nombre de ces pressions devraient persister à court ou moyen terme, les gouvernements devraient prendre des mesures pour réduire ces vulnérabilités et atténuer les risques, et ce de manière à soutenir les petits exploitants, les communautés et l'environnement.
Le respect des normes biologiques et d'autres normes volontaires de durabilité peut aider les agriculteurs à renforcer leur résilience face aux chocs externes. Par exemple, ces normes peuvent aider les agriculteurs à accéder à de nouveaux marchés tout en leur offrant de nouveaux outils pour améliorer la fertilité des sols et préserver l'eau. L'adoption de ces pratiques de production plus durables pourrait, à son tour, améliorer les rendements des cultures et aider les agriculteurs à accéder à de meilleurs prix sur les marchés locaux et internationaux pour leurs récoltes. Le développement d’un système biologique national représente une opportunité pour certains pays en développement, mais sa réussite exige une approche graduelle et adaptée au contexte local.
La meilleure façon d'assurer la transition en douceur des producteurs vers l'agriculture biologique consiste à adopter des mesures qui soutiennent à la fois l'offre (facteurs de dissuasion) et la demande (facteurs de persuasion) de produits biologiques.
L'expérience unique du Sri Lanka appelle à la prudence. En 2021, le président du pays a annoncé une transition nationale obligatoire vers l'agriculture biologique et une interdiction simultanée des importations d'engrais et de produits agrochimiques de synthèse. En théorie, ces plans étaient susceptibles d'entraîner des résultats positifs pour l'environnement et des améliorations de la productivité agricole. Pourtant, des problèmes importants sont apparus lors de la mise en pratique de cette transition. Les agriculteurs conventionnels, notamment les producteurs de riz et de thé, n'étaient pas préparés à ce changement et beaucoup n'ont pas pu s'adapter à temps pour obtenir une bonne récolte. Selon une enquête diffusée deux mois après l'entrée en vigueur de l'interdiction, 63 pour cent des agriculteurs interrogés ont déclaré ne pas avoir reçu de conseils sur la façon de cultiver leurs terres sans les engrais et les pesticides interdits. Le Sri Lanka ne disposait ni de la capacité nationale de produire la quantité d'engrais biologiques nécessaire à la croissance des cultures ni d'un plan pour importer ces engrais de l'étranger.
Alors que les normes biologiques reposent sur les principes de santé, d'écologie, d'équité et d'attention, le cas du Sri Lanka montre pourquoi ces transitions doivent intégrer le soutien adéquat aux agriculteurs, être progressivement déployées dans le temps et impliquer les agriculteurs eux-mêmes dans la conception et la mise en œuvre des mesures de transition. Dans le cas contraire, les gouvernements risquent d'adopter des mesures susceptibles de nuire aux moyens de subsistance et à la sécurité alimentaire des agriculteurs, mettant ainsi en péril la transition vers l'agriculture biologique et ses avantages environnementaux, sociaux et économiques potentiels.
Les avantages des systèmes biologiques sont de plus en plus reconnus dans le monde, y compris dans de nombreux pays en développement.
Comme le souligne IFOAM - Organics International, une organisation mondiale de l'agriculture biologique, la meilleure façon de soutenir les agriculteurs dans une transition en douceur vers l'agriculture biologique consiste à adopter des mesures qui soutiennent à la fois l'offre (facteurs de dissuasion) et la demande (facteurs de persuasion) de produits biologiques. Et comme chaque juridiction a des contraintes et des particularités uniques, ces mesures doivent être adaptées au contexte local plutôt que d'être déployées dans un style générique.
Alors comment les décideurs peuvent-ils mettre en place un système biologique performant qui renforce la résilience des agriculteurs, améliore la sécurité alimentaire et permet un meilleur accès aux marchés locaux ?
Soutenir des services de conseil décentralisés, inclusifs et directs (facteur de dissuasion)
Les programmes d'apprentissage et de conseil par les pairs sont des outils précieux pour soutenir le secteur biologique et peuvent être adaptés aux besoins locaux et aux structures sociales traditionnelles. Dans certains pays, les organisations agricoles locales soutenues par le gouvernement offrent aux producteurs agricoles des formations, des programmes de mentorat et d'autres services efficaces.
Par exemple, en 2022, les États-Unis ont lancé le Organic Partnership Program. Ce programme finance directement plus de 50 organisations à travers le pays qui fournissent, entre autres, de l’assistance technique aux producteurs ainsi que des programmes de jumelage et de mentorat entre des fermiers expérimentés et des fermiers en transition. Les fermes de démonstration sont un autre excellent outil permettant aux producteurs locaux de tester et de modéliser des pratiques durables pour leurs communautés agricoles. Par exemple, Teitei Taveuni, une organisation agricole à but non lucratif de l'île fidjienne de Taveuni, dispose d'un réseau de diverses petites fermes de démonstration qui entreprennent des recherches et adaptent les systèmes de production biologique afin d'améliorer la santé des sols tout en permettant l'apprentissage entre agriculteurs.
Développer les marchés biologiques locaux pour les petits exploitants agricoles (facteur de persuasion)
Les gouvernements peuvent jouer un rôle clé dans le développement des marchés locaux grâce à des politiques et des programmes qui soutiennent la demande. Par exemple, il existe des politiques d’approvisionnement alimentaire au Brésil qui favorisent les producteurs biologiques locaux et qui ont créé un marché garanti pour au moins 120 000 familles d'agriculteurs à travers le pays. Et en 2012, la ville de Nouveau Taipei mis en place un programme d'approvisionnement alimentaire pour offrir aux étudiants au moins un déjeuner biologique chaque semaine. En conséquence, le nombre de fermes biologiques entourant la ville a augmenté de 292 pour cent et la surface biologique cultivée a augmenté de 186 pour cent entre 2011 et 2020.
Prolonger le financement à long terme du secteur biologique (facteur de dissuasion et persuasion)
Le succès des mesures pour développer un réseau biologique durable comprenant des opérations biologiques (agriculteurs biologiques et transformateurs) et des offres de services adaptés à leurs besoins peut prendre de nombreuses années. Il est donc essentiel de disposer d'un financement viable à long terme pour soutenir et développer cette communauté. Un bon exemple est celui du Costa Rica, où une taxe sur les carburants finance directement les efforts de conservation des forêts des agriculteurs (facteur de dissuasion) et les activités de sensibilisation des consommateurs (facteur de persuasion). Le soutien direct aux agriculteurs peut prendre de nombreuses formes, comme l'extension des paiements pour l'adoption de pratiques agro-environnementales, comme au Mexique ; l'octroi de subventions aux agriculteurs pour l'achat ou la production d'intrants biologiques, comme en Corée du Sud ; ou la prise en charge du coût de la certification selon une norme de durabilité, comme au Costa Rica. Dans tous les cas, ces mesures doivent être mises en œuvre sur plusieurs années pour produire les résultats escomptés.
Adopter une approche territoriale (facteur de dissuasion et persuasion)
Au cours des 20 dernières années, plusieurs zones rurales ont adopté une approche intégrée du développement territorial, dans laquelle la promotion de la production biologique est étroitement liée au développement économique général du territoire. Ce concept a d'abord été développé dans le bio-district de Cilento en Italie et dans la Biovallée en France au début des années 2000, et il a depuis été adopté dans d'autres pays, notamment en Inde et en Tunisie.
Dans ces zones, également appelées écorégions, les acteurs locaux – notamment les agriculteurs, la société civile, les opérateurs touristiques, les hôtels, les détaillants et les gouvernements – travaillent ensemble afin d’intégrer la gestion durable des ressources locales au développement économique de la région. Grâce à ces efforts combinés, la croissance de la production et de la consommation biologiques devient une responsabilité partagée entre divers acteurs locaux.
Comme le montrent ces exemples, les avantages des systèmes biologiques sont de plus en plus reconnus. De nombreux pays en développement – dont Madagascar, le Pakistan et l'Ouganda – s'efforcent de soutenir la production biologique. Et pour les pays où les décideurs sont encore en train de réfléchir à la meilleure façon d'aller de l'avant, il y a de plus en plus d’informations provenant de pays qui soutiennent les agriculteurs vers la transition biologique sur les politiques et programmes qui portent des fruits et sur ceux à éviter. Une approche graduelle, soutenue par des mesures d'incitation et d'attraction adaptées au contexte local, peut conduire au développement de systèmes biologiques qui renforcent la résilience des agriculteurs aux chocs externes, soutiennent leurs moyens de subsistance et contribuent à assurer la sécurité alimentaire locale.
Cet article s'appuie sur le travail consultatif de l'État des initiatives de durabilité de l'IISD pour le gouvernement de Madagascar.
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