Quel est le statut actuel des initiatives sur le commerce et la durabilité environnementale à l’OMC ?
Les travaux menés au sein de l’OMC sur le commerce et la durabilité environnementale se sont intensifiés ces dernières années, culminant dans le lancement de trois déclarations ministérielles sur des sujets allant de la pollution par les plastiques à la réforme des subventions au combustibles fossiles. Aik Hoe Lim, Daniel Ramos, et Gergana Kiskinova de la division du commerce et de l’environnement de l’OMC présentent les derniers développement en date ainsi que les prochaines étapes.
Le mois de décembre dernier a représenté un moment historique pour les discussions sur le commerce et la durabilité environnementale. Quelques jours à peine avant le début de 2022, qui marque 50 ans depuis le lancement symbolique d’une coopération multilatérale renforcée sur l’environnement avec la Conférence de Stockholm, trois déclarations ministérielles ont été adoptées à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) abordant la manière dont le commerce multilatéral pourrait contribuer à toute une série de défis environnementaux urgents du 21ème siècle. Quatre-vingt-un membres de l’organisation, représentant environ 86 % des échanges mondiaux ont signé au moins une de ces déclarations ministérielles. Notons que plus de la moitié de ces membres sont des pays en développement, notamment plusieurs pays parmi les moins avancés.
La variété de sujets abordés, ainsi que la diversité des membres soutenant ces initiatives, allant de grandes économies telles que l’Union européenne, les États-Unis, la Chine, la Russie et l’Arabie saoudite, jusqu’aux petits États insulaires en développement tels que la Barbade et les Maldives, témoignent du fait que les membres de l’OMC considèrent de plus en plus que le commerce et la coopération dans le cadre de l’OMC font partie de la solution à la triple crise qui frappe notre planète.
Redynamisation du programme de travail sur le commerce et la durabilité environnementale
Les travaux de l’OMC sur le commerce et la durabilité environnementale se sont intensifiés ces dernières années. Reflétant l’intérêt et l’engagement accru sur la question, les membres de l’OMC ont commencé la pratique consistant à organiser une série d’événements parallèles en marge de la réunion automnale du Comité du commerce et de l’environnement (CCE) de l’OMC. Cette pratique est maintenant connue comme la Semaine du commerce et de l’environnement de l’OMC.
En 2020, la semaine a produit deux résultats concrets : le lancement des discussions structurées sur le commerce et la durabilité environnementale (TESSD) et la réunion inaugurale du Dialogue informel sur la pollution par les plastiques et le commerce des plastiques écologiquement durable (DIP). Par ailleurs, les coauteurs de l’initiative sur la Réforme des subventions aux combustibles fossiles (RSCF), dont la déclaration ministérielle a été signée lors de la 11ème conférence ministérielle de l’OMC de décembre 2017 (CM11), ont poursuivi leur travaux, accueillis de nouveaux membres et renouvelé leurs efforts.
Ces initiatives ont un objectif en commun : veiller à ce que les échanges et l’OMC contribuent aux solutions à la dégradation environnementale et au changement climatique.
Ces initiatives ont un objectif en commun : veiller à ce que les échanges et l’OMC contribuent aux solutions à la dégradation environnementale et au changement climatique. Leurs travaux se fondent sur (et bénéficient de) l’expertise de parties-prenantes externes telles que les groupes de la société civile, des entreprises, des universités, et d’autres organisations internationales, pour renforcer la compréhension des défis et des opportunités au carrefour du commerce, de l’environnement, du changement climatique et du développement durable. Ces initiatives sont ouvertes à tous les membres intéressés de l’OMC, et les coauteurs se sont engagés à continuer à être transparents et à faire rapport régulier de l’état de leurs discussions au CCE.
Lancement historique de trois déclarations ministérielles
Le nombre de membres participant aux trois initiatives a significativement augmenté en 2021, et malgré le report de la CM12, les ministres du Commerce au titre de chacune de ces initiatives ont lancé leur propre déclaration (déclaration : TESSD WT/MIN(21)/6/Rev.2; DIP WT/MIN(21)/8/Rev.2; RSCF WT/MIN(21)/9/Rev.1) dans un événement conjoint organisé le 15 décembre. Pour la première fois dans l’histoire de l’OMC, trois déclarations ministérielles font de la lutte contre les défis environnementaux l’objectif central et du commerce l’outil pour y parvenir, notamment au moyen de références directes au changement climatique et aux Objectifs de développement durable.
Pour la première fois dans l’histoire de l’OMC, trois déclarations ministérielles font de la lutte contre les défis environnementaux l’objectif central et du commerce l’outil pour y parvenir, notamment au moyen de références directes au changement climatique et aux Objectifs de développement durable.
Les déclarations soulignent l’urgence d’une action et coopération mondiales pour atteindre des résultats concrets s’agissant des questions de commerce et de durabilité environnementale à l’OMC, tout en évitant la duplication des efforts. Les besoins des pays en développement et la nécessité de fixer une transition juste sont également reconnus et examinés avec attention. Au titre de leurs cadres respectifs, ces déclarations planifient les travaux à réaliser pour pouvoir annoncer des résultats concrets et effectifs d’ici à la CM13.
Aperçu des trois initiatives environnementales à l’OMC
Les Discussions structurées sur le commerce et la durabilité environnementale
En novembre 2020, 53 membres de l’OMC ont lancé les TESSD, qui compte maintenant 71 coauteurs représentant 84 % des échanges mondiaux de biens et de services. La déclaration ministérielle TESSD identifie la durabilité environnementale comme la question centrale au programme de l’OMC, et énonce les travaux futurs de l’initiative. Les TESSD organisent des « discussions structurées » pour les membres de l’OMC intéressés, notamment des sessions dédiées aux débats avec les parties-prenantes externes de la société civile, des organisations internationales, de la communauté des affaires et du secteur universitaire.
Les réunions TESSD ont abordé un large éventail de sujets, tels que les mesures climatiques liées au commerce (notamment les mécanismes d’ajustement carbone aux frontières), l’économie circulaire, les chaînes d’approvisionnement durables, les biens et services environnementaux, l’alimentation et l’agriculture durables, les subventions aux combustibles fossiles, les besoins et priorités des pays en développement, et le verdissement de l’Aide pour le commerce. En 2022, les travaux porteront en priorité sur les mesures climatiques liées au commerce, les biens et services environnementaux, l’économie circulaire, et les effets environnementaux des subventions pertinentes et leurs impacts sur le commerce.
Le dialogue informel sur la pollution par les plastiques et le commerce des plastiques écologiquement durable
Également lancée en novembre 2020 par 12 délégations de l’OMC, l’initiative DIP a connu une expansion considérable du nombre de ses coauteurs, qui sont aujourd’hui 68 , et représentent environ 75 % des échanges mondiaux de plastiques. Le DIP vise à compléter les efforts internationaux en cours (notamment les processus au titre de la cinquième session de l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement et de la Convention de Bâle) en améliorant la coopération commerciale dans le but de soutenir les efforts nationaux, régionaux et mondiaux de réduction de la pollution par les plastiques et à transiter vers une économie mondiale des plastiques plus circulaire et écologiquement durable.
Les discussions et le rapport factuel de 2021 sur le DIP ont permis de mieux comprendre les mesures commerciales prises pour lutter contre la pollution par les plastiques, les tendances dans les échanges de plastiques, les processus et efforts internationaux, ainsi que les besoins des pays en développement en matière de compétences techniques et réglementaires. Grâce aux enseignements tirés, la déclaration ministérielle DIP réaffirme l’engagement des coauteurs à renforcer la dimension commerciale de leurs efforts de lutte contre la pollution par les plastiques. Elle présente une liste d’actions, telles que le partage de données d’expérience s’agissant de la collecte des données relatives aux flux commerciaux et aux chaînes d’approvisionnement, le renforcement de la coopération avec d’autres processus réglementaires internationaux, et l’identification de politiques et mécanismes commerciaux écologiquement durables, et d’alternatives effectives.
La réforme des subventions aux combustibles fossiles
Douze membres ont signé la première déclaration ministérielle sur la RSCF au cours de la CM11. Faisant fond sur ces efforts, l’initiative a renouvelé sa déclaration, désormais soutenue par 45 membres de l’OMC. La déclaration renouvelée cherche à rationnaliser et à éliminer progressivement les subventions inefficaces aux combustibles fossiles qui encouragent le gaspillage, selon un calendrier clair, et appelle les membres de l’OMC à se joindre à ces efforts. La déclaration reconnait que la réforme des subventions aux combustibles fossiles doit tenir compte des besoins et circonstances spécifiques des pays en développement et minimiser les effets potentiellement négatifs que la réforme pourrait avoir sur leur développement. Elle souligne le rôle de catalyseur du commerce et de l’OMC indispensable aux avancées vers le développement durable.
La déclaration indique que l’OMC est le forum adéquat pour faire progresser les discussions dans le but d’atteindre des disciplines ambitieuses et effectives sur les subventions aux combustibles fossiles, notamment en améliorant la transparence et les notifications afin de permettre l’évaluation des effets des programmes de subventions aux combustibles fossiles sur le commerce et les ressources.
Les prochaines étapes et les travaux pour 2022
Chacune des initiatives œuvre maintenant à l’adoption d’un programme de travail pour 2022, et devrait tenir des discussions techniques tout au long de l’année. Cette année, les initiatives visent, entre autres, à garder leur élan et ambition au plus haut niveau, accroître le nombre de membres, et faire progresser les travaux techniques afin de pouvoir présenter des résultats concrets d’ici à la prochaine conférence ministérielle de l’OMC.
Cela exige de changer d’état d’esprit et de rechercher des opportunités mutuellement satisfaisantes en relevant les défis du patrimoine commun plutôt que des intérêts nationaux étroitement définis.
Elles témoignent d’une OMC qui évolue pour devenir plus adaptée et plus agile, à même de répondre aux problèmes mondiaux et de mettre le commerce au service des populations et de la planète. L’OMC reste un forum unique où les membres peuvent aborder des questions globales pour y trouver des solutions. Si l’on tire parti des pleins effets des échanges et de la politique commerciale pour chacune des dimensions de la durabilité, c’est-à-dire le développement économique, l’inclusion sociale et la conservation environnementale, nous pourrons atteindre nos objectifs plus efficacement et effectivement.
Les membres qui prennent part à ces initiatives ont déjà démontré une volonté politique considérable dans les progrès réalisés, malgré le report de la CM12. Ils devront poursuivre leurs efforts, voire les redoubler, pour élargir le nombre de membres et produire des résultats. Cela exige de changer d’état d’esprit et de rechercher des opportunités mutuellement satisfaisantes en relevant les défis du patrimoine commun plutôt que des intérêts nationaux étroitement définis.
Aik Hoe Lim (directeur), Daniel Ramos (affaires juridiques), et Gergana Kiskinova (affaires économiques) travaillent pour la Division du commerce et de l’environnement de l’OMC. Les opinions exprimées dans le présent article sont celles des auteurs et ne peuvent être attribuées à l’OMC ou à ses membres.
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