La coalition des ministres du Commerce veut placer l’action climatique au cœur des politiques commerciales mondiales
Une nouvelle Coalition des ministres du Commerce pour le climat réunissant 56 ministres du Commerce cherche à faciliter la coopération internationale en matière de commerce et de climat. Carolyn Deere Birkbeck, fondatrice et directrice du Forum sur le commerce, l’environnement et les ODD, présente les principes clés de la coalition et souligne l’importance de la collaboration et d’une direction politique forte.
Une coalition des ministres du Commerce pour le climat a été lancée en janvier 2023 pour apporter une direction politique indispensable à une coopération internationale inclusive en matière de commerce et de climat. Menée par l’Équateur, le Kenya, la Nouvelle-Zélande et l’Union européenne, la coalition rassemble 56 ministres du Commerce de pays de toutes les régions, et de tous les niveaux de développement et de vulnérabilité climatique.
Dans leur déclaration de lancement, les ministres reconnaissent la responsabilité unique qui leur incombe d’apporter une contribution qui touche au commerce à la tâche urgente consistant à intensifier l’action climatique, ainsi que la nécessité d’une direction politique et d’une coopération de haut niveau et inclusive sur le lien entre commerce, changement climatique et développement durable.
La coalition constitue une innovation importante et opportune, car elle crée un espace de dialogue politique de haut niveau et cherche à décloisonner les agendas climatiques et commerciaux.
Face aux preuves flagrantes que le temps presse pour éviter une catastrophe climatique, la coalition constitue une innovation importante et opportune, car elle crée un espace de dialogue politique de haut niveau et cherche à décloisonner les agendas climatiques et commerciaux. Fait important, la coalition a une composition plus large que les forums tels que le G20 ou le G7 et est ouverte à de nouveaux membres. Elle a déjà réuni des ministres de pays en développement et de pays les moins avancés, ainsi que de petites économies vulnérables, y compris les petits États insulaires en développement gravement touchés par la crise climatique, en plus d’un certain nombre de grandes et moyennes économies.
La coalition témoigne d’une reconnaissance politique de la nécessité d’une direction inclusive sur les réponses collectives à la crise climatique qui touchent au commerce et qui soient ambitieuses, cohérentes et équitables.
La diversité et le caractère inclusif de la coalition sont essentiels, car tous les pays ont intérêt à lutter contre la crise climatique, à renforcer la résilience climatique et à veiller à ce que leurs citoyens et leurs communautés aient les moyens de prospérer dans une économie mondiale nette zéro. Le fait de laisser des pays à la traîne de la transformation économique nécessaire et des opportunités économiques qui émergent compromettrait l’efficacité de l’action climatique et des priorités de développement durable. Fait important, la coalition témoigne d’une reconnaissance politique de la nécessité d’une direction inclusive sur les réponses collectives à la crise climatique qui touchent au commerce et qui soient ambitieuses, cohérentes et équitables.
Quatre principes clés et cinq grandes priorités
Dans leur déclaration de lancement, les membres de la coalition reconnaissent « l’accélération du rythme et l’impact dévastateur de la crise climatique sur nos économies, nos sociétés et nos environnements » et le besoin urgent d’agir pour atteindre les objectifs climatiques de Paris. En ce qui concerne le commerce, ils soulignent que « le commerce international peut et doit apporter une contribution positive à la réduction des émissions de gaz à effet de serre » et l’importance de « feuilles de route équitables vers un développement économique résilient face au climat ».
Les ministres soulignent leur engagement en faveur des quatre principes suivants :
- La coopération dans leur contribution à la réponse globale au changement climatique, y compris en travaillant au niveau national et international avec les autres ministres dans les domaines du climat, de l’environnement, des finances et du développement, entre autres.
- L’inclusivité dans la participation des ministres et des parties prenantes concernées de différentes régions et à différents niveaux de développement et de vulnérabilité climatique.
- La direction dans la fourniture d’une orientation politique de haut niveau d’une part, et de conseils d’autre part, pour stimuler la coopération inclusive sur le lien entre climat, commerce et développement durable.
- La transparence pour une action climatique efficace fondée sur la confiance et la coopération internationale.
Ensemble, les membres de la coalition définissent cinq grandes priorités :
- Encourager la coopération internationale et l’action collective afin de promouvoir le commerce et les politiques commerciales favorables à l’action climatique dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et des initiatives multilatérales, plurilatérales, régionales et sectorielles pertinentes.
- Identifier les moyens de veiller à ce que le système commercial multilatéral contribue à la réponse mondiale au changement climatique et favorise une contribution positive à l’agenda climatique, notamment en accordant une attention particulière au lien entre climat et commerce dans tous les secteurs.
- Promouvoir le commerce et les investissements qui favorisent la diffusion, le développement, l’accessibilité et l’adoption de biens, de services et de technologies qui soutiennent l’atténuation et l’adaptation au changement climatique, tant dans les pays développés que dans les pays en développement.
- Identifier les stratégies en matière de commerce qui soutiennent les pays en développement et les pays les moins avancés les plus vulnérables.
- Créer des alliances et des partenariats avec les communautés du climat et de la finance et les parties prenantes concernées afin de favoriser l’action climatique, les transitions et le développement résilient face au climat sur le terrain.
Il est important de noter que la coalition déclare qu’elle « élaborera des actions concrètes pour faire avancer ces priorités importantes ». Les ministres se sont engagés à organiser une réunion annuelle pour ancrer l’engagement et la mobilisation au plus haut niveau.
Un programme positif de coopération inclusive et d’efforts collectifs est essentiel
La récente évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a lancé un signal d’alarme « code rouge » concernant l’écart considérable entre les engagements en matière de climat et le rythme des actions transformatrices nécessaires pour atteindre les objectifs climatiques de Paris. Elle nous rappelle que c’est ce que nous ferons au cours de cette décennie, et même dans les six années à venir, qui déterminera si nous parviendrons à limiter l’augmentation de la température mondiale à 1,5 °C.
Alors que les ministres du Commerce intensifient leur contribution à l’action climatique, un programme positif de coopération inclusive sur le commerce et le climat est nécessaire. Ce programme positif aborderait les domaines dans lesquels les modèles et les politiques commerciales existants exacerbent la crise climatique et la manière d’exploiter le commerce et les politiques commerciales pour susciter un changement transformateur urgent qui soutienne à la fois l’action climatique et le développement durable.
La volonté et l’orientation politiques ainsi que la confiance sont essentielles
L’une des principales contributions de la coalition sera de servir de plateforme d’engagement de haut niveau pour diffuser et gérer les tensions croissantes à l’interface des priorités en matière de commerce, de climat et de développement durable. La fragmentation et le découplage des échanges, et, dans le pire des cas, les guerres commerciales, compromettront à la fois l’action en faveur du climat et les priorités de développement durable. Alors que nous cherchons à exploiter toutes les politiques disponibles pour éviter une catastrophe climatique, nous ne pouvons pas nous permettre de sous-estimer les énormes tensions économiques, géostratégiques et sociales qui compliquent déjà la coopération internationale en matière de commerce.
Nous ne pouvons pas nous permettre de sous-estimer les énormes tensions économiques, géostratégiques et sociales qui compliquent déjà la coopération internationale en matière de commerce.
Les titres de l’actualité nous rappellent quotidiennement les tensions concurrentielles liées à la conception et à la mise en œuvre des mesures climatiques qui touchent au commerce. Les pressions géostratégiques visant à renforcer la résilience des chaînes d’approvisionnement et l’autonomie stratégique s’étendent désormais au débat sur le commerce et le climat à l’heure où les gouvernements cherchent à contrôler les ressources et les chaînes d’approvisionnement essentielles à la transition verte. De nombreux pays en développement sont désavantagés sur la voie d’une économie mondiale décarbonée et résiliente face au changement climatique, et sont confrontés à des crises économiques et à l’endettement, à une pénurie massive de financement et de technologies climatiques, à un héritage négatif de questions non résolues dans l’agenda commercial mondial, et à un éventail croissant d’exigences du marché et des gouvernements liées aux objectifs climatiques. Pendant ce temps, il est urgent pour les principales économies du monde de faire plus et plus vite pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
L’absence de coopération dans le domaine du commerce sapera les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs climatiques.
Dans ce contexte, les approches habituelles de la diplomatie commerciale ne suffiront pas à assurer la coopération mondiale, la solidarité et l’élaboration de politiques intégrées sans précédent qu’exige la lutte contre la crise climatique. En d’autres termes, même si ce n’est pas facile, l’absence de coopération dans le domaine du commerce sapera les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs climatiques. L’urgence à agir maintenant et le fait qu’une action climatique efficace est impossible sans la coopération internationale signifient que les ministres doivent s’engager à fournir une direction politique sur de nouvelles approches, à mieux gérer les tensions et à favoriser une compréhension commune des principes de l’action climatique liée au commerce. Dans cet esprit, la coalition offre un espace indispensable au dialogue inclusif et à l’instauration d’un climat de confiance au plus haut niveau, dans un cadre bilatéral, régional et multilatéral.
La coalition offre un espace indispensable au dialogue inclusif et à l’instauration d’un climat de confiance au plus haut niveau, dans un cadre bilatéral, régional et multilatéral.
Une contribution complémentaire de la coalition consistera à fournir une direction et une orientation politiques sur les possibilités d’action collective en matière de commerce et de politiques commerciales. Il existe d’importantes opportunités de coopération mutuellement bénéfiques qui peuvent générer des résultats positifs pour l’agenda climatique, pour le commerce et pour le développement durable.
À cet égard, un point de départ pourrait être de se concentrer sur la manière dont le commerce et les politiques commerciales peuvent être plus pertinents et mieux soutenir les objectifs et les principes du régime climatique mondial. Les ministres du Commerce pourraient commencer par déterminer la manière de favoriser des approches coopératives en soutien de la mise en œuvre des contributions déterminées au niveau national et des plans d’adaptation nationaux, et de contribuer aux objectifs et politiques climatiques des pays en développement qui touchent au commerce. Ils peuvent également agir pour soutenir les stratégies climatiques liées au commerce des pays les moins avancés et des pays en développement vulnérables confrontés au triple défi de la décarbonisation, de l’adaptation aux impacts et aux risques climatiques, et des pertes et dégradations liées à l’évolution des conditions climatiques et aux chocs climatiques.
Parallèlement à tout cela, un ensemble d’initiatives sectorielles sur le climat et la décarbonisation comportant un volet sur le commerce et sur les chaînes d’approvisionnement pourraient bénéficier d’une coopération internationale renforcée en matière de politique commerciale. Une partie essentielle de la contribution liée au commerce consistera à exploiter le pouvoir du commerce et des politiques commerciales pour augmenter l’offre, l’accessibilité financière et l’adoption de technologies essentielles à l’atténuation et à l’adaptation au changement climatique, en veillant à ce qu’elles parviennent rapidement là où elles sont le plus nécessaires et à ce que les pays en développement bénéficient des opportunités économiques associées à leur production et à leurs chaînes d’approvisionnement internationales.
Briser les silos et forger la collaboration
L’engagement au niveau ministériel est essentiel pour obtenir un soutien national et international en faveur d’une contribution ambitieuse, équitable, cohérente et efficace du commerce à l’agenda climatique.
Cette année, la coalition dispose d’opportunités importantes pour décloisonner les communautés du commerce et du climat. Lors de la COP 28, la coalition peut renforcer la collaboration entre les ministres du Commerce, des Finances et du Climat grâce à une réunion conjointe entre les ministres du Climat et la Coalition des ministres des Finances pour l’action climatique. Le Sommet du Secrétaire général des Nations Unies sur le climat sera également l’occasion de souligner l’importance du commerce et des politiques commerciales pour l’agenda climatique et la volonté d’un large groupe de ministres du Commerce de contribuer positivement et collectivement à l’agenda climatique au moyen d’une coopération internationale renforcée.
Parallèlement, dans tous leurs engagements bilatéraux, régionaux et multilatéraux, les ministres du Commerce peuvent veiller à ce que l’action climatique soit un point prioritaire de l’ordre du jour, en recherchant régulièrement des occasions d’approfondir les partenariats climatiques liés au commerce et de soutenir les efforts collectifs avec leurs homologues.
Les membres de la coalition ont manifesté leur intérêt pour en apprendre davantage sur l’agenda politique relatif au climat et au commerce auprès d’un éventail d’organisations internationales et régionales, de parties prenantes compétentes et d’experts en la matière. Les co-leaders de la coalition ont associé la réunion inaugurale de l'organisme à une consultation des parties prenantes en marge de la réunion annuelle du Forum économique mondial. La coalition sera favorisée par des consultations continues avec les organisations et les experts qui mènent l’action climatique et avec la communauté climatique mondiale sur les domaines dans lesquels la coopération en matière de commerce peut être utile. Bonne nouvelle : les dirigeants de l’OMC, de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, du Centre du commerce international et de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques ont manifesté leur soutien.
La coalition sera favorisée par des consultations continues avec les organisations et les experts qui mènent l’action climatique et avec la communauté climatique mondiale sur les domaines dans lesquels la coopération en matière de commerce peut être utile.
Le commerce et les politiques commerciales ont un rôle central à jouer dans la transformation vers une économie mondiale décarbonée et résiliente face au changement climatique, ainsi que dans les transitions justes qui ne laissent personne de côté. Pour que la coopération internationale en matière de commerce, de climat et de développement durable progresse, il est essentiel d’investir au niveau politique dans la promotion de la confiance et du dialogue. Guidée par les principes de coopération, d’inclusion, de leadership et de transparence, la coalition offre une plateforme et une opportunité uniques pour les ministres d’apporter une contribution positive du commerce à l’agenda climatique.
Carolyn Deere Birkbeck est la fondatrice et la directrice du Forum sur le commerce, l’environnement et les ODD (TESS), hébergé par l’Institut universitaire de hautes études de Genève. Pour en savoir plus sur la coalition, rendez-vous sur Twitter chez @trademinclimate.
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