La gouvernance internationale de l’énergie durable: Accès et transitions durables
TOUJOURS QU’UNE SEULE TERRE : Les leçons de 50 ans de politique de développement durable des Nations Unies
Ce paysage de gouvernance polycentrique et non-hiérarchisé offre de nombreux atouts, notamment une capacité à agir rapidement et à proposer des solutions spécifiques en fonction du contexte. (Télécharger PDF) (Lire les notes de synthèse de Toujours Qu'Une Seule Terre)
L’énergie est tout à la fois un levier et un défi pour le développement durable. Elle propulse nos économies, alimente l’agriculture qui nourrit des milliards de familles, fait tourner les centrales de désalinisation dans les pays où l’eau est rare et garde nos foyers au frais ou au chaud suivant les besoins. L’énergie est fondamentale au développement humain : elle allonge le nombre d’heures que les personnes peuvent travailler, elle permet à l’étudiant de lire un livre aussi longtemps qu’il le souhaite et détermine les appareils que les médecins peuvent utiliser dans leurs hôpitaux.
En 1972, la Conférence de Stockholm sur l’environnement humain a reconnu les effets néfastes que notre production et notre utilisation de l’énergie ont eu sur l’environnement, et qu’il fallait une meilleure compréhension de ces impacts pour pouvoir en faire une gestion efficace. Cinquante ans plus tard, nous savons désormais que pour maintenir la température globale à des niveaux permettant d’assurer notre sécurité, il nous faudra laisser au moins les deux-tiers des carburants fossiles inexploités. Cependant, les énergies renouvelables ne représentent actuellement que 17% de la consommation énergétique mondiale. Et près de 800 millions de personnes sont encore aujourd’hui dépourvues d’accès à l’électricité (AIE et al., 2020).
Nous sommes face à un test grandeur nature. Nous devons regarder vers l’avant. On commence à parler d’énergie de façon beaucoup plus intelligente ; l’énergie, c’est l’histoire qui se joue derrière la vie des gens. Sans énergie, cette histoire de vie n’est pas possible.
Donc, pour parvenir à un développement durable, nous sommes face à deux défis énergétiques majeurs : la pauvreté énergétique et les changements climatiques. Plus de 3 milliards de personnes n’ont toujours pas accès à des fourneaux propres et dépendent de combustibles polluants comme le charbon et le bois. La contamination de l’air domestique du fait de la combustion de ces matériaux tue environ quatre millions de personnes chaque année. En matière de changements climatiques, des efforts considérables vont être nécessaires pour développer tout le potentiel des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique afin qu’elles contribuent efficacement aux réductions des émissions de dioxyde de carbone telles qu’elles sont requises au regard des objectifs de l’Accord de Paris (IRENA 2020). En 2015, les Nations Unies ont adopté le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et ses 17 Objectifs de développement durable (ODD). Le 7e de ces Objectifs—accès à des énergies propres et abordables—répondait à ces défis énergétiques dans ses différentes cibles (voir Encadré 1).
Pour atteindre l’ODD 7, les gouvernements et les autres parties prenantes doivent former des partenariats et coordonner d’importants transferts de technologies et de financements, notamment pour venir en aide aux plus vulnérables. Les agences mondiales de l’énergie estiment que la réalisation de l’ODD 7 d’ici 2030 va demander un surcroît d’investissements annuels à hauteur de 1360 milliards USD. Cependant, en 2017, le financement international consacré à soutenir les énergies propres dans les pays en développement n’a atteint que 21 milliards (IEA et al., 2020).
Indicateurs primaires de la progression mondiale vers les cibles de l'ODD 7
La gouvernance multilatérale de l’énergie reste discrète et fragmentée. Les Nations Unies n’ont pas d’agence spécifiquement dédiée qui couvrirait tous les domaines de la politique énergétique. Même l’expression « gouvernance internationale de l’énergie » est relativement nouvelle, car la question a été longtemps dominée par des préoccupations concernant la sécurité énergétique et la concurrence géopolitique qui l’accompagne. La gouvernance des énergies durables est tout aussi fragmentée. Il y a cependant eu quelques avancées avec la mise en place de l’initiative onusienne Énergies durables pour tous (SEforALL), des ODD et de l’Agence internationale des énergies renouvelables (IRENA).
Encadré 1. ODD 7: Garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable.
- 7.1: D’ici à 2030, garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables et modernes, à un coût abordable
- 7.2: D’ici à 2030, accroître nettement la part de l’énergie renouvelable dans le bouquet énergétique mondial
- 7.3: D’ici à 2030, multiplier par deux le taux mondial d’amélioration de l’efficacité énergétique
- 7.a: D’ici à 2030, renforcer la coopération internationale en vue de faciliter l’accès à la recherche et aux technologies relatives à l’énergie propre, notamment l’énergie renouvelable, l’efficacité énergétique et les nouvelles technologies relatives aux combustibles fossiles propres, et promouvoir l’investissement dans l’infrastructure énergétique et les technologies relatives à l’énergie propre
- 7.b: D’ici à 2030, développer l’infrastructure et améliorer la technologie afin d’approvisionner en services énergétiques modernes et durables tous les habitants des pays en développement, en particulier des pays les moins avancés, des petits États insulaires en développement et des pays en développement sans littoral, dans le respect des programmes d’aide qui les concernent
L’émergence des énergies durables dans les programmes mondiaux
Le Plan d’action de Stockholm, en 1972, a été le premier grand plan d’action des Nations Unies à mettre spécifiquement l’accent sur le rapport entre énergie et environnement. Au fil des années, de nombreuses conférences et rapports internationaux ont mis en exergue le besoin d’accroître la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique mondial et d’apporter aux pays en développement le soutien correspondant. À l’occasion du lancement de la Troisième décennie du développement en 1980, l’Assemblée générale des Nations Unies a souligné : « la communauté internationale devra faire des progrès substantiels et rapides dans la transition de l’économie internationale actuelle, principalement axée sur les hydrocarbures ». Des appels similaires ont été lancés par la première Conférence mondiale sur le climat (1979), la Conférence des Nations Unies sur les sources d’énergies nouvelles et renouvelables (1981) et le rapport de la Commission Brundtland, Notre avenir à tous (1987).
Un itinéraire énergétique sûr, écologiquement rationnel et économiquement viable, capable de soutenir les progrès futurs de l’humanité, est un impératif absolu.
Mais « ces recommandations n’ont abouti à aucun résultat pratique au niveau mondial », comme l’a signalé le parlementaire allemand Hermann Scheer (EUROSOLAR et WCRE, 2009, 11). Le plan d’action adopté en 1992 lors du Sommet de la Terre à Rio, dénommé Agenda 21, contenait plus d’une centaine de références à l’énergie, mais ne prévoyait aucun nouveau dispositif institutionnel en la matière. L’idée portée par Scheer—une agence internationale de l’énergie solaire—a pris 20 ans à se matérialiser.
Le Sommet mondial sur le développement durable, en 2002, a abouti au Plan de mise en œuvre de Johannesburg, qui reconnaît l’accès aux services énergétiques modernes comme l’une des conditions pour atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), lancés par les Nations Unies pour satisfaire aux besoins des populations les plus pauvres du monde à l’horizon 2015. Le Plan de Johannesburg appelait également à intégrer des considérations énergétiques dans les stratégies nationales de développement. Quelques-uns des Partenariats multipartites pour le développement durable établis à Johannesburg avaient également pour mission de faciliter l’accès à l’énergie pour soutenir la réalisation des OMD.
ONU-Énergie a été mise en place en 2004 avec pour but d’assurer le suivi des différentes décisions relatives aux énergies, prises à Johannesburg. Mais ONU-Énergie est un mécanisme interinstitutionnel, avec pour mandat de se consacrer principalement à la coordination des travaux conduits par une vingtaine d’organisations onusiennes en matière d’énergie. ONU-Énergie a par ailleurs cherché à soutenir les pays dans leur poursuite des OMD et des programmes climatiques (UNIDO, 2020).
L’un des défis qui empêchent d’avancer sur les énergies durables est l’absence d’un accord entre gouvernements. De nombreux pays en développement ont insisté sur le fait que l’accès à l’énergie devrait être une priorité, et que le choix de l’énergie en question n’était que secondaire. Beaucoup de pays producteurs d’énergies fossiles ne voulaient pas handicaper leurs économies en promouvant l’abandon de ces énergies. D’autres, y compris les petits États insulaires en développement (PEID), très inquiets des changements climatiques, faisaient pression pour un accent sur les énergies renouvelables et les réduction d’émissions (Kamau et al., 2018). Le besoin d’un dispositif institutionnel international plus solide se faisait toujours sentir, pour aider les pays et leurs populations à obtenir l’accès à l’électricité et à sauter le pas vers les énergies durables.
L’Agence internationale des énergies renouvelables
Les pays en développement ont proposé de créer une Agence des Nations Unies avec pour mission de soutenir l’énergie solaire dès le début des années 1980, mais quelques pays industrialisés, dont les États-Unis et le Japon, se sont opposés à cette idée. Certains pensent que ce refus de la part des plus grands développeurs de technologies d’énergie renouvelable visait en fait à empêcher la naissance d’une concurrence industrielle dans les pays en développement, qui représentaient d’importants marchés pour l’avenir. Aucune des institutions mondiales existantes ayant des compétences en matière d’énergie ne promouvait alors les énergies renouvelables, et beaucoup de commentateurs ont souligné le besoin de mettre des ressources en commun pour stimuler la recherche-développement, le transfert de technologies et le renforcement des capacités dans les pays en développement (EUROSOLAR et WCRE, 2009).
Après beaucoup de lobbying et un intérêt croissant pour les énergies renouvelables partout dans le monde, l’Allemagne a convoqué un processus préparatoire en 2008 qui a abouti à la fondation de l’IRENA un an plus tard. Suite à une campagne très concurrentielle, les Émirats arabes unis, qui s’étaient présentés comme le pont entre les énergies conventionnelles et celles du futur, ainsi qu’entre l’Orient et l’Occident, ont été choisis pour accueillir le siège de l’Agence.
L’IRENA, qui compte actuellement 161 États membres, est administrée par une Assemblée qui se réunit une fois par an pour décider du programme et du budget de l’agence, avec l’aide d’un Conseil à participation tournante. L’agence conduit des recherches, propose outils et conseils en matière de cartographie, de planification et de politique, et dirige des initiatives multipartites dont les plus importantes sont les trois Couloirs régionaux d’énergies propres, l’Initiative Phares dans les PEID (SIDS Lighthouses) et l’Alliance mondiale de l’énergie géothermale. L’IRENA en elle-même ne fournit pas de financements, mais le Centre de projets conjoint IRENA/Fonds d’Abu Dhabi pour le développement, qui lui est affilié, propose des microcrédits de co-financement.
Focalisée sur le niveau régional dans des domaines tels que l’infrastructure de réseau électrique et les marchés de l’électricité, la diversification des ressources énergétiques, et la promotion des investissements et la création d’emplois, l’initiative Couloirs d’énergies propres joue un rôle crucial dans le ralliement de soutiens politiques aux énergies renouvelables, ainsi que dans l’aide à la planification énergétique coordonnée, la conception des plans commerciaux pour les énergies renouvelables et l’aide à la création de contextes propices aux investissements. Avec une démarche qui vise à satisfaire aux besoins et priorités de multiples parties prenantes dans le contexte spécifique de chaque pays, le Couloir africain d’énergies propres a déjà aidé à identifier les zones ayant le plus haut potentiel de production d’énergies renouvelables et les options d’investissement correspondantes ; il a par ailleurs livré des évaluations de l’état de préparation réglementaire des pays et fourni une assistance technique. Les microcrédits, de leur côté, ont permis aux pays en développement d’élargir l’accès à l’énergie et de réduire leur dépendance aux importations de carburants fossiles.
Énergies durables pour tous
L’année de la mise en place de l’IRENA, le Secrétaire-général des Nations Unies Ban Ki-moon a mis en place un Groupe consultatif de haut niveau et multipartite sur les énergies et les changements climatiques. Le groupe a identifié deux domaines prioritaires de travail et de coopération internationale renforcée, et a appelé à lancer une campagne mondiale pour les soutenir : l’accès (assurer un accès universel aux services d’énergie modernes à l’horizon 2030) et l’efficacité (réduire l’intensité énergétique mondiale de 40% à l’horizon 2030) (AGECC, 2010).
En réponse, l’Assemblée générale des Nations Unies, dans sa résolution 65/151, a déclaré 2012 Année internationale de l’énergie durable pour tous et décidé, dans sa résolution 67/215, que 2014-2024 serait la Décennie de l’énergie durable pour tous. Le Secrétaire-général a alors lancé l’initiative SEforAll pour mobiliser l’action de tous les secteurs de la société avec pour objectif de mettre les énergies durables au service de tous à l’horizon 2030.
L’énergie est le fil d’or qui connecte la croissance économique, une équité sociale accrue et un environnement sain. Le développement durable n’est pas possible sans énergies durables.
SEforALL est une organisation internationale unique. Son principal organe directeur, le Conseil d’administration, est composé de dirigeants de gouvernements, de l’industrie et du secteur caritatif. Le cœur des efforts de SEforALL s’est articulé autour du Cadre de suivi global adopté par de multiples organisations, qui produit un rapport annuel d’avancement sur l’ODD 7 et organise un forum annuel pour faire le bilan des progrès accomplis, mobiliser des financements et offrir une plateforme à la promotion de la collaboration et l’exposé des actions entreprises. L’initiative comporte également plusieurs programmes ayant pour objet d’engager les entreprises, gouvernements, La gouvernance internationale de l’énergie durable consommateurs et ONG dans des domaines aussi variés que les fourneaux propres, le financement énergétique, les politiques et réglementations, l’électrification du secteur sanitaire et le leadership féminin en matière d’énergie. SEforALL s’appuie sur des Pôles et accélérateurs régionaux et thématiques pour arriver jusqu’aux pays et coordonner des partenariats multipartites. Parmi ceux-ci, le Pôle Efficacité énergétique, hébergé par le Centre pour l’efficacité énergétique de Copenhague, et le Pôle Énergies renouvelables hébergé par l’IRENA.
Les activités de SEforALL sont guidées par son approche multipartite de la coopération : son partenariat relatif aux données, le Pôle Connaissances, surveille les progrès accomplis sur l’ODD 7. Ses Pôles régionaux, qui rassemblent des banques de développement, des agences onusiennes, des organisations régionales et des points de contact nationaux, ont à ce jour contribué à réaliser des douzaines de programmes d’action et de prospections d’investissement qui aboutissent à des démarches à la mesure des contextes nationaux pour atteindre l’ODD 7. Sa plateforme d’Accélération de l’efficacité énergétique mondiale soutient des partenariats public-privé et guide l’action et les engagements des dirigeants nationaux et infranationaux dans les secteurs de l’efficacité énergétique, notamment l’électroménager, le bâtiment, le chauffage ou la climatisation des collectivités publiques, et l’efficacité des véhicules (SEforALL, 2016).
Entrée en scène des ODD
Les OMD ne comprenaient pas d’objectif spécifique sur l’énergie. Certains ont attribué cette carence à un désaccord de longue date entre le Sud global et le Nord sur la question de savoir si l’énergie est plus un « bien social et économique » qu’un « mal environnemental ». SEforAll visait expressément à dévier le débat en soulignant le rôle de l’énergie dans le développement durable et son importance pour la protection de l’environnement (McDade, 2013), et les trois cibles de l’initiative, adoptées en 2011, ont largement influencé les négociations relatives à l’ODD 7.
Cette différence de points de vue s’est immiscée dans les négociations des ODD, et de nombreux pays en développement ont alors insisté sur le fait que l’accès à l’énergie devrait être une priorité, le choix de la technologie n’étant, lui, qu’au second plan. Dans la même optique, la proposition de certains pays développés visant à inclure un objectif d’élimination progressive des subventions aux énergies fossiles inefficientes a été rejetée en bloc par les pays en développement au motif que, dans certains cas, ces subventions étaient nécessaires pour réduire la pauvreté. Cet objectif a finalement été inclus dans l’ODD 12 relatif aux modes durables de consommation et de production (Kamau et al., 2018).
Les ODD sont universels, et atteindre l’ODD 7 est un exercice mondial. En outre, comme les ODD ont été conçus comme un programme intégré, le développement durable suppose d’atteindre les 17 objectifs. Ainsi, la mise en œuvre de l’ODD 7 permet d’avancer sur d’autres objectifs, notamment l’ODD 13 (action climatique) à travers la promotion des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. L’expansion de l’accès aux énergies durables peut aider à faire sortir les gens de la pauvreté (ODD 1), à réduire la faim (ODD 2), à promouvoir la santé et le bien-être des populations (ODD 3) et à créer un accès universel à l’eau potable et aux services d’assainissement (ODD 6), entre autres. En revanche, d’autres effets peuvent émerger, par exemple entre l’ODD 7 et l’ODD 2, si les cultures énergétiques provoquent la hausse des prix des denrées alimentaires, ou entre l’ODD 7 et l’ODD 8 (emplois décents et croissance économique) si on ne garantit pas des transitions équitables pour les travailleurs du secteur des énergies fossiles.
Les trois cibles de l’ODD 7 ont également des interactions entre elles. L’efficacité énergétique réduit le besoin d’élargir l’accès à l’énergie et les capacités de production d’énergies renouvelables. Le rapport entre accès à l’énergie et énergies renouvelables est plus complexe. L’acheminement d’énergies renouvelables peut accroître l’accès dans les zones rurales, mais il doit être bien conçu : une approche lourde en infrastructures peut faire grimper les prix de l’énergie et réduire d’autant l’accessibilité. D’un autre côté, élargir l’accès à l’énergie pourrait favoriser l’expansion des énergies renouvelables, mais tout dépend de la source d’énergie choisie : beaucoup de pays en développement continuent à bâtir des infrastructures qui fonctionnent aux énergies fossiles (ICSU, 2017).
Au-delà des ODD, l’Accord de Paris de 2015 sur les changements climatiques peut également contribuer à la poursuite de l’ODD 7. L’Accord de Paris a introduit un vecteur d’établissement de rapports pour que les pays notifient périodiquement leurs cibles et plans de réduction des émissions. À ce jour, 186 pays ont communiqué leurs contributions déterminées au niveau national (CDN). Bien que leur contenu soit laissé à la discretion des pays, 140 pays ont intégré des énergies renouvelables au secteur énergétique dès leurs premières CDN, et 105 d’entre eux ont assorti leurs CDN de cibles quantitatives qui, si elles sont effectivement mises en œuvre, augmenteraient de 87% la capacité mondiale des énergies renouvelables installées sur les dix prochaines années (IRENA, 2019).
Le régime complexe de la gouvernance des énergies durables
Outre SEforALL et IRENA, d’autres organisations participent à la gouvernance mondiale des énergies durables. Les chercheurs parlent de « régime complexe », ce qui désigne un paysage institutionnel constitué de mandats qui se chevauchent et une absence de hiérarchie claire (Van de Graaf et Colgan, 2015). Parmi les organisations, initiatives et assemblées ayant des compétences en matière d’énergies durables, il y a celles qui font partie du système des Nations Unies et les autres. Certaines sont strictement intergouvernementales, d’autres accueillent de multiples parties prenantes. Certaines ont une participation restreinte, d’autres fonctionnent comme des « coalitions de motivations ».
Parmi les instances onusiennes les plus proéminentes, l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI) est l’une des organisatrices du Forum de Vienne sur l’énergie, qui se réunit tous les deux ans depuis 2009 pour aborder les énergies durables du point de vue du développement. Le Programme des Nations Unies sur l’environnement héberge le réseau multipartite REN21, mis en place en 2005 et connu pour ses rapports sur l’état des énergies renouvelables et ses Conférences internationales sur les énergies renouvelables. La Banque mondiale contribue à l’ODD 7 par le biais de son partenariat intitulé Programme d’assistance à la gestion du secteur énergétique.
D’autres institutions proéminentes ont inscrit les énergies durables à leurs programmes depuis le milieu des années 2000, poussées par la hausse des prix du pétrole et les préoccupations liées aux changements climatiques. On peut notamment citer le Groupe des Sept et le Groupe des Vingt (G20). Le groupe de haut-niveau Ministères pour les énergies propres, lancé par les États-Unis en 2010, rassemble un groupe de pays membres et non-membres du G20 qui œuvrent ensemble pour accélérer le déploiement des technologies d’énergie propre. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) des pays industrialisés s’occupe de longue date des questions liées aux énergies durables. En 2019, elle a mis en place une plateforme de collaboration intergouvernementale appelée Pôle Efficacité énergétique, qui encourage l’échange et la collaboration sur les principaux thèmes de l’efficacité énergétique entre ses membres, et, plus largement, au sein de la communauté internationale.
Ces quelques éléments du régime complexe des énergies durables mettent l’accent sur la coopération en matière de recherche et de technologie, sur l’échange de connaissances, le renforcement des capacités et la promotion des partenariats multipartites. L’ODD 7 établit des cibles politiques claires pour ce secteur de la gouvernance mondiale, avec un suivi régulier des progrès accomplis à travers le Forum politique de haut-niveau sur le développement durable, SEforALL et les instances de tutelle de l’ODD 7, dont l’AIE, l’IRENA, la Division de la statistique des Nations Unies, la Banque mondiale et l’Organisation mondiale de la santé. Quoi qu’il en soit, les ODD restent non contraignants juridiquement et il n’existe à ce jour aucune organisation internationale ou traité qui puisse promouvoir de façon holistique tout le programme relatif aux énergies renouvelables.
À long terme, je crois que les Nations Unies doivent mettre en place une instance dédiée à l’énergie, car c’est la seule façon de mobiliser des soutiens suffisants sur 15 ou 20 ans. Ce devra être une institution qui permette la participation du secteur privé aux côtés des initiatives publiques, car nous avons besoin de son capital et de ses connaissances.
Cap sur la décennie décisive
Il reste moins de dix ans pour atteindre l’ODD 7 et réduire de moitié les émissions mondiales de gaz à effet de serre, afin de maintenir le réchauffement global en deçà de 1,5°C et éviter les pires conséquences sur la vie humaine. Les rapports d’avancement préparés avant la pandémie de COVID-19 montraient déjà qu’il était impératif d’accélérer les efforts sur toutes les cibles, avec des projections qui laissent encore 620 millions de personnes sans accès à l’électricité en 2030 et un accroissement indispensable de 50% dans le déploiement des énergies renouvelables pour garder le réchauffement planétaire en deçà de 2°C, sans même parler de la cible 1,5°C. La pandémie risque toutefois d’affecter encore plus négativement l’accès à l’énergie et la transition énergétique, mais l’ampleur réelle de son impact est encore inconnue (IEA et al., 2020; IRENA, 2019).
La gouvernance mondiale des énergies durables a fait beaucoup de chemin. Son actuel régime polycentrique peut être perçu comme un facteur de solidité. Le secteur des énergies durables, ayant très tôt adopté des approches multipartites, offre des exemples positifs et de précieuses leçons pour d’autres domaines de la gouvernance mondiale. Ses partenariats sont très spécialisés et axés sur l’action. Ils se focalisent souvent sur des solutions sur mesure spécifiquement conçues pour les circonstances d’une nation ou région. Le caractère informel de plusieurs de ces partenariats permet d’agir plus vite et aide à créer de nouvelles coalitions qui prennent appui sur les forces et ressources d’acteurs non-étatiques et infranationaux. Les pôles et accélérateurs de SEforALL sont d’excellents exemples de ceci.
Cependant, certains facteurs ont été, et sont encore, des entraves à l’efficacité de ce modèle. L’absence d’une organisation ou traité international unique empêche l’adoption de règles et de normes communes, et rend impossible toute possibilité de tirer l’ambition d’en haut. Cela découle en partie de la dépendance des institutions : la concurrence entre exportateurs et importateurs de pétrole, et l’existence d’organisations dédiées à la technologie d’une seule énergie, définissent les règles du jeu depuis fort longtemps. L’accès à l’énergie et la transition énergétique, de leur côté, requièrent une coopération mondiale et des approches transversales. À mesure que les énergies durables gagnent du terrain dans les programmes internationaux, les quelques champions en la matière dans les secteurs public et privé pourront sans doute faire pression pour que la gouvernance mondiale de l’énergie devienne plus holistique et coopérative.
L’autre défi qu’il reste à relever est que les différents pays ont encore des priorités différentes en lien aux énergies durables. Mais à cet égard, l’ODD 7 représente une tentative plutôt réussie de fusionner les agendas de l’accès et de la transition. Les profondes synergies entre les trois cibles de l’ODD 7, et entre l’ODD 7 et les autres ODD, contribuent largement à cette réussite.
Ouvrages consultés
AGECC. (2010). Energy for a Sustainable Future (L’énergie pour un avenir durable). Nations Unies. https://www.un.org/chinese/millenniumgoals/pdf/AGECCsummaryreport%5B1%5D.pdf
EUROSOLAR et WCRE. (2009). The long road to IRENA: From the idea to the foundation of the International Renewable Energy Agency (Le long chemin de l’IRENA : de l’idée à la fondation de l’Agence internationale des énergies renouvelables). Documentation 1990–2009. Ponte Press.
ICSU (International Council for Science—Conseil international pour la science). (2017). A guide to SDG interactions: From science for implementation (Guide sur les interactions entre les ODD : de la science à la mise en œuvre). ICSU.
IEA, et al. (2020). Tracking SDG 7: The energy progress report 2020 (Suivi de l’ODD 7 : rapport sur l’état de l’énergie, édition 2020). Banque mondiale.
IRENA. (2019). NDCs in 2020: Advancing Renewables in the Power Sector and Beyond (CDN 2020 : L’essor des renouvelables dans le secteur de l’électricité et au-delà). IRENA.
IRENA. (2020). Global renewables outlook: Energy transformation 2020 (Vue d’ensemble sur les énergies renouvelables : transformation énergétique, édition 2020). IRENA.
Kamau, M., Chasek, P. & O’Connor, D. (2018). Transforming multilateral diplomacy: The inside story of the Sustainable Development Goals (Transformer la diplomatie multilatérale : l’histoire cachée des Objectifs de développement durable). Routledge.
McDade, S. (2013). L’ODD 7 et le développement de l’énergie durable en Amérique latine et dans les Caraïbes. Chronique ONU, 9. https://www.un-ilibrary.org/content/journals/24119911/52/3/9
SEforALL. (2016). Sustainable Energy for All: Strategic framework for results 2016–21 (Énergies durables pour tous : cadre stratégique 2016-2021). SEforALL.
UNIDO. (2020). ONU-Énergie. https://www.unido.org/our-focus/cross-cutting-services/green-industry/partnerships/un-energy
Van de Graaf, T. & Colgan, J. (2016). Global energy governance: A review and research agenda (Gouvernance mondiale du secteur de l’énergie : programme de suivi et de recherche). Palgrave Communications, 2, https://doi.org/10.1057/palcomms.2015.47
You might also be interested in
Web of resilience
Pakistan's development model has still not recognised the limits of the natural environment and the damage it would cause, if violated, to the sustainability of development and to the health and well-being of its population. Pakistan’s environment journey began with Stockholm Declaration in 1972. A delegation led by Nusrat Bhutto represented the country at the Stockholm meeting, resulting in the establishment of the Urban Affairs Division (UAD), the precursor of today’s Ministry of Climate Change. In setting the country’s environmental agenda, we were inspired by the Stockholm Principles, but in reality, we have mostly ignored them for the last five decades.
Pathways to Sustainable Cities
Urban planning needs to be inclusive and responsive to the needs of local communities and build on participatory approaches that foster the engagement of marginalized actors.
A Warming Arctic is a Warning for the World
To protect the Arctic, stronger and broader local, national, and international measures to reduce greenhouse gas emissions must be implemented.
The Water and Sanitation Challenge
For universal access to water to become a reality, governments and private-sector service providers should adopt a human rights-based approach to ensure water and sanitation services are safe, available, accessible, affordable, and culturally acceptable.